Votre cheval refuse soudainement ses granulés, grince des dents après le repas ou semble moins performant ? Les ulcères gastriques touchent jusqu’à 90 % des chevaux de sport et la solution commence par un geste simple : la mastication.
La clé réside dans la production de salive, qui neutralise naturellement l’acidité gastrique. Contrairement à nous, le cheval sécrète de l’acide chlorhydrique en continu – jusqu’à 60 litres par jour – mais ne produit de la salive protectrice que lorsqu’il mâche. Un cheval au pré broute 16 heures au quotidien et génère 40 litres de salive tamponnée. En box avec deux repas de concentrés, cette production chute drastiquement, laissant la muqueuse squameuse sans défense face à l’acidité. Les symptômes varient : appétit capricieux, coliques légères post-repas, bruxisme, amaigrissement progressif ou baisse inexpliquée des performances. Le diagnostic définitif passe par la gastroscopie, mais le traitement associe systématiquement l’oméprazole (4 mg/kg pendant 28 jours minimum) à une refonte alimentaire privilégiant le foin à volonté et les repas fractionnés.
La différence entre un cheval vulnérable et un cheval protégé tient à la durée pendant laquelle il mâche chaque jour. Voici comment transformer cette connaissance en actions concrètes pour votre compagnon.
Pourquoi votre cheval développe des ulcères gastriques : comprendre pour mieux agir
L’estomac de votre cheval fonctionne comme une usine chimique qui ne s’arrête jamais, même quand il ne mange pas.
Reconnaître les signes d’alerte chez votre cheval avant qu’il ne soit trop tard
Les ulcères gastriques se manifestent rarement de manière spectaculaire. Votre cheval vous parle à travers des changements subtils qu’il faut savoir décoder pour agir rapidement.
Signes comportementaux
- Bruxisme (grincement de dents) particulièrement après les repas
- Agressivité inhabituelle au moment du sanglage
- Apathie ou irritabilité soudaine
- Refus progressif du travail ou réticence à l’effort
- Position couchée prolongée ou fréquente
Signes physiques
- Appétit capricieux avec refus sélectif des concentrés
- Amaigrissement malgré une ration adaptée
- Poil terne et piqué traduisant un mauvais état général
- Coliques récurrentes de faible intensité, surtout 30 minutes après le repas
- Crottins mous ou diarrhée intermittente
Signes liés à la performance
- Baisse inexpliquée des résultats sportifs
- Fonte musculaire progressive au niveau du dos
- Récupération plus lente après l’effort
- Modification de l’amplitude respiratoire à l’exercice
Voici comment évaluer l’urgence de la situation :
Symptôme observé | Niveau d’urgence | Action recommandée |
---|---|---|
Appétit capricieux isolé | Faible | Surveillance quotidienne pendant 7 jours, noter évolution |
Bruxisme après repas + poil terne | Moyen | Consultation vétérinaire sous 10 jours, ajuster alimentation |
Coliques récurrentes légères | Élevé | Appel vétérinaire sous 48h, envisager gastroscopie |
Amaigrissement + refus concentrés | Élevé | Consultation urgente, bilan complet nécessaire |
Coliques intenses ou persistantes | Critique | Urgence vétérinaire immédiate (risque vital) |
Baisse performance + plusieurs symptômes | Moyen | Examen vétérinaire sous 1 semaine, gastroscopie recommandée |
La subtilité de ces manifestations explique pourquoi tant de propriétaires passent à côté du problème.
Mais pourquoi ces ulcères apparaissent-ils ?
Le rôle protecteur de la salive : pourquoi la mastication est l’arme naturelle contre les ulcères
La salive équine n’est pas un simple lubrifiant : elle constitue le premier rempart contre l’acidité gastrique grâce à sa richesse en bicarbonates. Lorsque votre cheval mâche, ses glandes salivaires produisent un liquide dont le pH alcalin (environ 7,5 à 8) neutralise partiellement l’acide chlorhydrique sécrété en continu par l’estomac. Ce mécanisme tampon fonctionne uniquement pendant la mastication, contrairement aux humains qui produisent de la salive en permanence. La muqueuse squameuse, située dans la partie supérieure de l’estomac, ne possède aucune protection naturelle contre l’acidité et dépend entièrement de ce flux salivaire pour sa survie. À l’inverse, la muqueuse glandulaire, dans la partie inférieure, sécrète elle-même du mucus protecteur et des bicarbonates, ce qui explique pourquoi les ulcères squameux représentent 80 % des cas diagnostiqués.
Production de salive selon l’aliment
Votre cheval ne salive pas de la même manière selon ce qu’il mange, et cette différence change tout. Lorsqu’il consomme du foin long, la mastication intense génère entre 3 et 4 litres de salive par kilogramme ingéré, soit environ 40 à 50 litres quotidiens pour un cheval broutant normalement. Les brins longs nécessitent 3 000 à 4 000 mouvements de mâchoire par kilo, créant un flux salivaire constant qui baigne littéralement l’estomac de bicarbonates protecteurs. À l’opposé, les concentrés et granulés demandent seulement 800 à 1 200 mouvements de mâchoire par kilo, produisant à peine 1 litre de salive pour la même quantité. Un cheval recevant 5 kg de concentrés quotidiens ne génère donc que 5 litres de salive, laissant son estomac exposé à l’acidité pendant les 20 heures restantes. Le foin haché, bien que pratique, se situe dans une zone intermédiaire avec environ 2 litres de salive par kilo, ce qui reste insuffisant pour une protection optimale de la muqueuse gastrique.
Cette réalité physiologique nous amène directement aux solutions concrètes.
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RDV Vétos : Nutrition et Ulcères Gastriques chez le cheval
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Tout savoir sur les ulcères gastriques chez le cheval
Qu’est-ce qu’un ulcère gastrique chez le cheval ? Ce type d’affection est fréquente. Comment les repère-t-on ? Quels en sont les …
Comment protéger avec efficacité l’estomac de votre cheval au quotidien
Passer du diagnostic au traitement demande une approche structurée qui combine science vétérinaire et bon sens équestre.
Traiter les ulcères existants : comparatif transparent des solutions médicales et naturelles
Face à des ulcères gastriques confirmés par gastroscopie, vous disposez de plusieurs options thérapeutiques dont l’efficacité varie amplement. La transparence sur les coûts et les résultats vous permet de faire des choix éclairés adaptés à votre situation et à la sévérité des lésions observées.
Solution | Mode d’action | Durée du traitement | Coût journalier estimé | Taux d’efficacité |
---|---|---|---|---|
Oméprazole (GastroGard) | Inhibiteur de la pompe à protons, réduit la sécrétion d’acide chlorhydrique | 28 jours minimum (ulcères squameux), 56-90 jours (ulcères glandulaires) | 1,50 € à 2,50 € selon poids | 70-90% de cicatrisation complète |
Sucralfate | Forme un pansement protecteur sur les ulcères, favorise la cicatrisation | 28-42 jours en complément de l’oméprazole | 0,80 € à 1,20 € | 60-75% en association (glandulaires) |
Gel d’Aloe vera | Apaisant et cicatrisant naturel, réduit l’inflammation | 60 jours minimum en cure | 0,60 € à 1,00 € | 40-55% sur ulcères légers |
Luzerne déshydratée | Tampon naturel riche en protéines et calcium, stimule salive | Intégration permanente à la ration | 0,30 € à 0,50 € | 30-40% en prévention, insuffisant seul |
Compléments à base de plantes | Mélange d’argile, réglisse, guimauve, protection muqueuse | 45-90 jours | 0,70 € à 1,50 € | 35-50% sur ulcères débutants |
La réalité du terrain révèle des erreurs récurrentes qui compromettent la guérison 😕
Erreurs fréquentes à éviter lors du traitement
- Arrêt prématuré du traitement dès amélioration des symptômes : les ulcères gastriques nécessitent 4 semaines minimum pour cicatriser complètement, même si votre cheval semble aller mieux après 10 jours
- Maintien d’un jeûne prolongé avant l’effort : laisser l’estomac vide expose davantage la muqueuse squameuse à l’acidité pendant l’exercice
- Distribution de concentrés en grandes quantités : les repas volumineux (plus de 2 kg) augmentent la production d’acide sans générer suffisamment de salive tampon
- Sous-dosage de l’oméprazole pour économiser : un dosage inférieur à 4 mg/kg réduit drastiquement l’efficacité et prolonge inutilement le traitement
- Absence de contrôle gastroscopique post-traitement : 30% des chevaux présentent des ulcères résiduels malgré la disparition des symptômes cliniques
- Négligence des facteurs déclenchants : traiter sans modifier l’alimentation et la gestion garantit une récidive dans les 60 jours
- Utilisation exclusive de solutions naturelles sur ulcères sévères : les lésions de grade 3-4 nécessitent IMPÉRATIVEMENT un traitement médical
- Administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens pendant le traitement : la phénylbutazone et le flunixine aggravent les ulcères existants
Mais traiter ne suffit pas si les conditions de vie restent inchangées.
Stratégies préventives par l’alimentation et la gestion : maximiser la production de salive
La prévention des ulcères gastriques repose sur un principe simple : maintenir votre cheval en situation de mastication maximale tout au long de la journée. Cette approche reproduit les conditions naturelles d’alimentation et transforme radicalement la santé gastrique de votre compagnon.
Actions concrètes hiérarchisées par impact
Impact maximal : gestion du foin (accès continu, foin long)
- Foin à volonté 24h/24 : la mesure la plus efficace pour protéger l’estomac, avec un minimum de 1,5% du poids corporel en foin long quotidien (7,5 kg pour un cheval de 500 kg)
- Filets à foin à petites mailles (4 cm maximum) : ralentissent la consommation et multiplient par 3 la durée de mastication sans frustrer le cheval
- Distribution fractionnée si accès continu impossible : minimum 4 distributions espacées de 6 heures maximum pour éviter l’estomac vide
- Priorité au foin long sur le foin haché : les brins de 10-15 cm génèrent 50% de salive supplémentaire par rapport aux versions hachées
Impact élevé : adaptation des concentrés
- Fractionnement strict des concentrés : jamais plus de 2 kg par repas, idéalement 1,5 kg maximum pour limiter les pics d’acidité
- Distribution systématique de foin long 30 minutes avant les concentrés : crée un matelas protecteur et stimule la production salivaire préalable
- Remplacement partiel par des floconnés ou extrudés : ces aliments nécessitent plus de mastication que les granulés standards
- Ajout de 500 g à 1 kg de luzerne déshydratée quotidienne : son effet tampon naturel protège la muqueuse pendant 2-3 heures après ingestion
- Réduction progressive de l’amidon : viser moins de 2 g d’amidon par kg de poids corporel et par repas (1 kg pour un cheval de 500 kg)
Impact modéré : gestion du stress
- Vie au pré ou paddock avec congénères : réduit de 40% l’incidence des ulcères comparé au box individuel isolé
- Routine stable et prévisible : heures de repas, de sortie et de travail identiques chaque jour
- Limitation des transports : chaque déplacement augmente temporairement la production d’acide gastrique pendant 48-72 heures
- Temps de récupération suffisant : prévoir 48 heures de repos après une compétition ou un effort intense
- Compagnonnage visuel minimum : même en box, le contact visuel avec d’autres chevaux diminue l’anxiété
Impact complémentaire : environnement
- Accès permanent à l’eau propre et fraîche : la déshydratation concentre l’acidité gastrique
- Litière confortable et abondante : encourage le cheval à se coucher, position qui réduit le reflux acide vers la muqueuse squameuse
- Enrichissement de l’environnement : jouets, branches à ronger, pierre à lécher pour occuper le cheval entre les repas
- Vermifugation raisonnée : le parasitisme chronique fragilise la muqueuse intestinale globale
Voici comment adapter ces principes selon le calendrier sportif :
Période | Adaptations alimentaires | Gestion de l’entraînement | Supplémentation préventive | Surveillance |
---|---|---|---|---|
Repos hivernal | Foin à volonté sans restriction, concentrés réduits au minimum (maintenance) | Travail léger 3-4 fois/semaine, privilégier sorties longues au pas | Arrêt des compléments si aucun symptôme | Observation hebdomadaire de l’appétit |
Reprise progressive | Augmentation graduelle des concentrés (10% par semaine), maintien foin maximal | Intensité croissante sur 8 semaines, toujours foin avant travail | Aloe vera ou luzerne en prévention si historique d’ulcères | Surveillance bihebdomadaire du comportement |
Saison de compétition | 3-4 repas de concentrés/jour, foin permanent entre repas, luzerne systématique | Foin 2h avant transport, éviter travail à jeun | Oméprazole demi-dose (1-2 mg/kg) les jours de concours | Contrôle mensuel du poids et de l’état général |
Pic de compétitions | Ration énergétique maximale fractionnée en 4-5 repas, foin nuit obligatoire | Échauffement progressif minimum 20 min, récupération active | Oméprazole pleine dose si déplacements fréquents (>2/mois) | Gastroscopie recommandée si baisse de performance |
Post-saison | Réduction progressive concentrés sur 4 semaines, retour foin ad libitum | Diminution intensité 50% première semaine puis travail plaisir | Cure gel d’Aloe vera 30 jours pour régénération muqueuse | Évaluation complète de l’état gastrique si doute |
La différence entre un cheval fragile et un cheval protégé se joue dans ces détails quotidiens. Mon expérience avec des dizaines de propriétaires montre qu’un cheval recevant du foin long en accès libre et des repas de concentrés fractionnés présente 5 fois moins de risques de développer des ulcères gastriques qu’un cheval nourri selon le schéma traditionnel deux repas par jour. Les investissements nécessaires restent modestes : un filet à foin de qualité coûte entre 25 et 45 €, un sac de 15 kg de luzerne déshydratée environ 18 €, et les modifications de gestion ne demandent aucun budget supplémentaire. La santé gastrique de votre cheval mérite cette attention, car un estomac sain garantit des performances optimales et un bien-être durable. Les ulcères gastriques ne sont pas une fatalité : ils représentent simplement le signal que le mode de vie de votre cheval s’éloigne trop de ses besoins physiologiques fondamentaux.